Les membres de cette commission seront nommés aujourd’hui par le Sénat. Ils devront décider au bien-fondé des critiques qui visent aujourd’hui les experts français : certains leur reprochent d’avoir surévalué les risques, d’avoir dramatisé la situation pour pousser le gouvernement à commander de grandes quantités de vaccins, de masques et d’antiviraux.
Le reportage complet de Bruno Rougier, ce matin sur France Info. (4'42") | |
Pour mémoire, moins de 6 millions de personnes ont été vaccinées en France contre la grippe A/H1N1 alors que 94 millions de doses avaient été commandées... Et la France n’est pas un cas unique : l’Organisation Mondiale de la Santé est elle aussi accusée d’avoir exagéré les risques d’une pandémie grippale.
"Tous les experts sont liés à l’industrie pharmaceutique"
Au Sénat, cette demande d’une commission d’enquête a été déposée par des sénateurs communistes et du Parti de gauche. A leur tête se trouve François Autain, qui se demande s’il était vraiment utile de commander 94 millions de doses de vaccins... Selon lui, "tous les experts qui sont intervenus dans cette affaire sont liés à l’industrie pharmaceutique" d’où sa suspicion face à leur indépendance. "J’aurai préféré que ceux qui ont conseillé le gouvernement ne soient pas les mêmes que ceux qui conseillent les laboratoires".
Face à ces accusations, les experts reconnaissent qu’ils travaillent effectivement avec des laboratoires mais ils ajoutent aussitôt que cela ne remet pas en cause leur intégrité.
Cette collaboration est indispensable, estime le Professeur François Bricaire, éminent spécialiste des maladies infectieuses et tropicales. Ce membre du Haut Conseil de la Santé publique le dit très clairement : "si l’industrie pharmaceutique ne m’aidait pas à aller à différents congrès à l’étranger, je ne pourrais pas rencontrer les autres experts internationaux. L’argent que je reçois de mes autorités hospitalières et universitaires ne me permettrait pas de financer mes déplacements". Ce travail avec les industriels est obligatoire aujourd’hui renchérit Bruno Lina, directeur du Centre de Référence des virus de la grippe pour la zone sud.
"L’indépendance de l’expertise est garantie par le travail de groupe" affirme Bruno Lina, le Directeur du Centre de Référence des virus de la grippe pour la zone sud (2'43") | |
Les experts ne sont pas les décideurs
Des dizaines de milliers de masques ont été commandés... pour une utilisation très marginale.
© RADIOFRANCE / Nathanaël Charbonnier
La société peut légitimement se demander si les experts, même s’ils se disent intègres, n’ont pas un jugement biaisé au moment de conseiller les politiques. A cette interrogation légitime, il faut rappeler que ce n’est pas un seul expert mais un collège d’experts qui conseille les décideurs. Il faut aussi préciser que ce ne sont pas les experts qui prennent les décisions finales, ils ne sont que les conseillers, les décideurs étant les politiques. Roselyne Bachelot a d’ailleurs défendu les experts devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale le 12 janvier dernier en précisant que "les experts ont toujours proposé au gouvernement plusieurs scénarios, qu’ils ont toujours été prudents parlant au conditionnel".
Aujourd’hui, avant tout travail, un expert doit préciser les relations qu’il entretient avec les laboratoires pour voir s’il y a un risque de conflit d’intérêt.
Selon Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale à la Faculté de médecine Paris Sud XI, la collaboration experts-industriels ne pose pas a priori de problèmes éthiques.
Après la commission d’enquête sénatoriale, l’Assemblée Nationale pourrait à son tour créer une commission, à la demande du groupe Nouveau centre. Cette requête sera examinée en séance, par les députés, le 24 février prochain.
La réaction de Marc Girard, pharmacologue, invité de Jean Leymarie :