30/03/2010
La CEDH contourne le sujet de l'indépendance du parquet français, Paris n'est pas condamné et la décision n'est pas claire !
La CEDH contourne le sujet de l'indépendance du parquet français
STRASBOURG - La Cour européenne des droits de l'homme a estimé lundi que les procureurs de la République en France étaient dépendants du pouvoir exécutif sans toutefois condamner Paris sur ce point.
L'arrêt, qui était très attendu par les milieux politiques et judiciaires, ne donne donc pas d'orientation claire.
Il était de nature à contrecarrer la volonté du gouvernement français de supprimer le juge d'instruction dont les missions seraient assumées par le parquet, sauf à réformer celui-ci pour lui conférer l'indépendance requise par la Cour.
Proposé en janvier 2009 par Nicolas Sarkozy, ce volet du projet de réforme de la procédure pénale ne doit pas être soumis au parlement avant début 2011.
La décision mitigée de la Cour devrait décevoir les opposants à la réforme, partis de gauche, organisations de magistrats et associations de victimes, qui craignent notamment qu'elle aboutisse à étouffer les affaires sensibles.
Elle ne devrait pas pour autant rassurer le gouvernement, la Cour européenne des droits de l'homme s'étant à plusieurs reprises déjà prononcée en faveur d'une indépendance du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Pour les juges de Strasbourg, le contrôle de la détention doit être assuré par un magistrat présentant "les garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public".
PRIVATION DE LIBERTÉ IRRÉGULIÈRE
L'affaire examinée a trait au Winner, un cargo transportant de la cocaïne qui avait été arraisonné par la Marine française au large des îles Canaries, en juin 2002.
Le navire battant pavillon cambodgien avait été ramené en France, sous le contrôle du procureur de Brest, où le capitaine et ses matelots avaient été présentés à un juge à l'issue de treize jours de mer.
Trois d'entre eux ont été condamnés à des peines allant de trois à vingt ans de prison, six autres ont été acquittés.
Saisie par les marins, la Cour avait condamné la France, le 10 juillet 2008, pour "détention arbitraire", en estimant que leur situation à bord aurait dû être contrôlée par "une autorité judiciaire", ce que n'était pas, à son sens, le procureur.
"Il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié", disait-elle.
Saisie en appel par la France, la grande chambre de la Cour, dont les arrêts sont définitifs, condamne de nouveau la France pour détention arbitraire, mais arrête son raisonnement avant la question du contrôle juridictionnel.
Le Cambodge n'étant pas signataire de la convention de Montengo Bay qui régit le droit international de la mer, Paris avait obtenu l'accord des autorités de Phnom Penh pour intercepter le Winner dans une note qui n'évoquait ni la détention de l'équipage ni son transfert en France.
"Ainsi la privation de liberté subie par les requérants (...) n'était pas 'régulière' faute de base légale ayant les qualités requises pour satisfaire au principe général de sécurité juridique", conclut la Cour.
S'agissant du contrôle la détention, la Cour en rappelle les principes mais refuse, comme en première instance, de condamner la France pour les treize jours écoulés avant que les hommes soient présentés à un juge.
Ce délai se justifiait par des "circonstances tout à fait exceptionnelles", en l'occurrence les délais incompressibles du voyage en mer compte tenu de la météo et de l'état du navire.
Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse
04:13 Publié dans Cour Européenne, France | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook