Alors que la Cour de cassation a reconnu le 15 décembre que le procureur n'était pas une autorité judiciaire indépendante, comme l'entend la Convention européenne des droits de l'Homme, tout en jugeant qu'il pouvait contrôler la garde à vue, les procureurs s'interrogent sur leur statut.
A deux reprises, la Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné la France, estimant que le parquet n'était pas une autorité judiciaire indépendante.
Las d'être critiqués, les procureurs entendent dissiper tout soupçon. Ainsi, la Conférence nationale des procureurs de la République a jugé, mercredi dans un communiqué, "urgente" une réforme de leur statut, en particulier de leur mode de nomination, "en les soumettant à un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)".
Protestations après la nomination de Philippe Courroye
Les magistrats du "siège" (qui jugent) sont nommés sur avis "conforme" (contraignant) du Conseil supérieur de la magistrature. En revanche, pour les procureurs, le CSM donne un avis simple, que le ministre de la Justice n'est pas tenu de suivre. Tel a été le cas lorsqu'en 2007, Pascal Clément, alors garde des Sceaux, avait nommé contre l'avis du CSM Philippe Courroye, réputé proche de Nicolas Sarkozy, au poste très sensible de procureur à Nanterre. L'enquête sur l'affaire Woerth-Bettencourt, dirigée par Philippe Courroye, a ravivé les tensions. Il a été reproché à Philippe Courroye de n'avoir transmis le dossier à des juges d'instruction indépendants que contraint et forcé.
Interrogé sur des nominations prochaines au parquet de Bordeaux pour traiter du dossier Bettencourt, le ministre de la Justice Michel Mercier a annoncé son intention de suivre l'avis du CSM, pour parer à de nouvelles critiques.
Mettre fin aux soupçons
Dans une interview au Figaro publiée vendredi 17 décembre, le procureur général de Paris, François Falletti, dit avoir évoqué dès 1997 "l'idée d'une Autorité nationale des poursuites à la tête du ministère public pour la direction des enquêtes".
"Détacher plus clairement les magistrats du parquet et l'exécutif dans la conduite des affaires particulières permettrait d'éviter des soupçons d'intervention illégitime. C'est une piste de réflexion", avance-t-il.
Les syndicats de la magistrature appellent eux aussi à un changement.
"Tout le monde a vu que le simple fait que la carrière d'un procureur dépende du ministère de la Justice faisait naître le soupçon", estime Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM).
Une réforme difficile
Comme les magistrats du siège, ceux du parquet doivent être "inamovibles", avoir les mêmes "protections statutaires", résument les syndicats. Les conditions de nomination et gestion de carrière doivent être les mêmes, il faut "en finir avec les instructions individuelles", selon l'USM et le Syndicat de la magistrature.
Mais mettre en place une réforme du parquet n'est pas chose aisée. En 2000, une tentative en ce sens avait capoté. La question s'est aussi posée, sans succès, lors de la révision constitutionnelle de 2008.
La Chancellerie se montre peu enthousiaste sur ce sujet. Selon le porte-parole Bruno Badré, cité jeudi 16 décembre par le Figaro, le changement passe par une réforme constitutionnelle, quasiment impossible à mettre en oeuvre avant la fin de la législature.
Michel Mercier va recevoir les procureurs
Le nouveau ministre de la Justice Michel Mercier a annoncé qu'il recevrait le 5 janvier des représentants de la Conférence des procureurs de la République.
Sur le fond, le porte-parole du ministère de la Justice Bruno Badré a rappelé que dès sa prise de fonction, le mois dernier, le garde des Sceaux avait "affirmé son attachement à l'unité du corps judiciaire, considérant que les magistrats du parquet étaient bien des magistrats".
"Il a aussi annoncé qu'il suivrait les avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination des procureurs", a-t-il ajouté.
(Nouvelobs.com)
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