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04/12/2009

Grippe et ados : « De toutes façons, c'est moi qui décide »

Par Sophie Verney-Caillat | Rue89 | 27/11/2009 | 15H20

Chez les jeunes, le doute semble contagieux. La vaccination contre la grippe A a démarré ce mercredi dans les collèges et lycées, mais dans beaucoup de familles, l'heure est encore au débat.

Centre de vaccination dans une clinique pédiatrique de Paris (Charles Platiau/Reuters)

Devant le lycée Maurice-Ravel (Paris XXe) ce vendredi, les jeunes se montrent à la fois informés et méfiants. Comme le résume Laure, en seconde :

« C'est bizarre quand on écoute les radios, des experts disent “oui, il faut se faire vacciner, la grippe va faire des morts”, d'autres “non, il y a trop de risques d'effets secondaires, le vaccin a été fait vite”… de toutes façons, c'est moi qui vais décider. »

Chaque nouvelle comme la mort d'une femme jeune en Essonne ou l'annonce d'allergies au vaccin GSK au Canada est amplifiée dans leurs discussions et les laisse finalement perplexes. Jean-Sébastien estime qu'« on n'a pas assez d'infos et que peut-être les gens ont peur de la nouveauté ».

Comme le dit la circulaire publiée par le ministère de l'Education nationale en date du 9 novembre pour vacciner les 12 millions d'élèves du pays, les parents d'enfants mineurs doivent remplir une « fiche médicale individuelle et un formulaire de consentement » mais la vaccination se fera aussi « sur une démarche volontaire des enfants ».

L'opinion publique n'est déjà pas majoritairement favorable à la vaccination, et dans les lycées ce n'est pas la cohue, comme le montre un reportage de TV-Tours où le proviseur raconte : « Il y a un, deux ou trois élèves par classe, ça ne perturbe pas trop le fonctionnement de l'établissement ».

Des facteurs de confusion

L'organisation, menée par les préfets, a été rapide, au point que les familles des premiers établissements concernés n'ont eu que deux jours pour répondre. Mais au-delà, il y a aussi des facteurs qui créent la confusion :

  • Les parents ont reçu une circulaire de trois pages sur les effets secondaires jugée dissuasive par nombre d'entre eux.
  • Dans le cas où père et mère sont séparés, et si les deux ont l'autorité parentale, ils doivent tous les deux donner leur accord.
  • Pour les chefs d'établissements responsables de l'organisation, les consignes préfectorales sont parfois jugées confuses : ainsi dans le Val-de-Marne, certains chefs d'établissement ont dû eux-mêmes aller chercher les doses conditionnées par dix dans les points de distribution « ce qui n'est pas simple alors qu'il faut respecter la chaine du froid », remarque le syndicat SNPDEN-Unsa.

« Consentement libre et éclairé » nécessaire

Admettons que les parents aient bien signé les autorisations pour que leur enfant soit vacciné, et qu'au dernier moment ça coince, que se passe-t-il ?

La charte de la personne accueillie pour la vaccination antigrippale remise aux parents précise dans son article 6 que la vaccination ne peut être pratiquée qu'avec le consentement « libre et éclairé » de la personne, donc de l'enfant qui prête son bras.

L'union nationale des associations familiales (Unaf) souligne le rôle qui incombe au médecin de l'équipe mobile de vaccination :

« Dans la pratique, le médecin doit s'efforcer d'obtenir le consentement grâce à une information détaillée, en cas d'échec en aviser l'autorité parentale et agir dans l'intérêt de l'enfant. »

La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades donne au mineur le droit au respect de sa volonté, en dérogation des principes de l'autorité parentale. Il est aussi dit que le mineur doit participer à la prise de décision le concernant « d'une manière adaptée à son degré de maturité ».

Et, au terme de l'article L. 1111-4 du Code de la santé publique, « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ».

Mais dans le risque de « conséquences graves »…

Attention, les choses se corsent, comme le dit le même article « dans le cas où le refus de traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale risque d'entraîner des conséquences pour la santé du mineur », alors « le médecin délivre les soins indispensables … ». Pour l'Unaf, cela est sujet à discussion :

« Ce concept de “conséquences graves” est évident dans certaines situations mais plus difficile dans d'autres cas notamment dans le cas d'un refus de vaccination qui n'est que potentiellement grave.

C'est donc le médecin qui doit juger au final, éclairer sur les risques, répondre aux questions des enfants. Mais face aux informations contradictoires qui circulent, les parents doivent en parler avec leurs enfants et prendre la décision avec eux. »

15 à 20% d'acceptation pour l'instant

Au final, c'est bien l'opinion de l'enfant qui présidera, mais il se peut que leurs doutes s'effacent face à une pression du médecin au moment de la piqûre. Au lycée Hélène-Boucher (Paris XXe), où élèves et familles ont encore deux semaines pour réfléchir avant le passage des équipes mobiles, la plupart des jeunes croisés ne comptent écouter qu'eux-mêmes. Ainsi, Camille, en première, tergiverse encore un peu :

« Comme je suis asthmatique, mon médecin veut vraiment que je me fasse vacciner et mes parents aussi. Mais mon petit frère a déjà eu la grippe A et moi j'ai eu des symptômes, donc je pourrais être immunisée, donc je préfère éviter tout effet secondaire. »

Face à l'accélération de l'épidémie, la méfiance des jeunes, comme du reste de la population, pourrait s'atténuer. Les autorités l'espèrent, comme le rectorat de Paris qui nous assure :

« Environ 15 à 20% des élèves ont accepté d'être vaccinés dans les établissements où les équipes mobiles sont passées, mais les chiffres montent car ils voient qu'il n'y a pas de soucis avec le vaccin et les familles ont plus de temps pour remplir les questionnaires. »


http://www.rue89.com/2009/11/27/grippe-et-ados-de-toutes-...