17/02/2010
Le Conseil constitutionnel doit être renforcé par le droit pour accroître sa légitimité, par Nicolas Vinci
A votre avis ?
La réécriture du préambule de notre Constitution est l'étape indispensable pour protéger le Conseil de critiques sur son objectivité.
Après la censure de la taxe carbone, il semblerait que le Conseil constitutionnel ait à subir les sarcasmes de proches et de membres de l'exécutif. La charge la plus virulente est venue du ministre de la relance, Patrick Devedjian, dans les colonnes du Monde du 13 janvier 2010. Le ministre voit dans le Conseil constitutionnel le meneur d'une fronde antigouvernementale qui, de surcroît, aimerait se substituer au Parlement dans l'écriture de la loi. Pour mettre fin à ces pratiques, le ministre propose de rendre publics les débats du Conseil, de permettre aux parlementaires, voire au gouvernement, de venir défendre les lois votées et soumises au Conseil dans le cadre d'une procédure contradictoire et, enfin, d'autoriser les Sages en désaccord avec une décision du Conseil à publier une opinion dissidente.
Il est étonnant de voir un ministre de la majorité actuelle remettre ainsi en cause le Conseil constitutionnel dont les pouvoirs ont été accrus par la révision constitutionnelle de 2008 portée par la même majorité. Du reste, il n'est pas nouveau de laisser entendre que le Conseil cherche à se substituer au Parlement. Ces critiques sont anciennes ; elles remontent à la IIIe République, temps de la souveraineté absolue de la loi, donc incontrôlable, qu'elle soit conforme à la Constitution ou non. La nouveauté vient de ce que le gouvernement se sente agressé par le Conseil constitutionnel au gré de chacune de ses censures. Il faut y voir, très certainement, le résultat de la confusion qui règne, quinquennat aidant, entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. La loi censurée par le Conseil, si elle est votée par le Parlement, représente surtout la volonté du gouvernement.
A ces critiques s'ajoutent les propositions de M. Devedjian pour réformer l'institution de la rue de Montpensier. Elles sont dangereuses. Dangereuses, parce qu'elles soumettraient le Conseil à toutes les pressions – politiques, médiatiques, éventuellement populaires – si les délibérations venaient à avoir lieu à la face du monde. Ce qui n'est pas acceptable pour le conseil des ministres ne l'est pas plus pour le Conseil constitutionnel. Dangereuses, parce qu'elles entameraient directement l'autorité des décisions prises par le Conseil. Comment conférer de la légitimité à une censure lorsque celle-ci est contredite publiquement par des membres du Conseil lui-même et par le gouvernement ? Dangereuses, enfin, parce que le Parlement se verrait un peu plus déposséder de sa prérogative législative. En effet, si c'est lui qui vote la loi, pourquoi donc serait-ce au gouvernement de venir la défendre devant le Conseil ? Si le Conseil ne doit pas devenir le "super-Parlement" que Patrick Devedjian redoute, le gouvernement ne doit pas non plus favoriser les procédures qui permettraient de contourner l'expression de la représentation nationale en venant lui-même s'exprimer devant le Conseil.
Reste une critique adressée par le ministre à l'égard du Conseil constitutionnel, mais dont il ne tire aucune proposition : le Conseil appuie ses censures sur le préambule de la Constitution, qui peut être source d'interprétations divergentes. Sur ce point, il est difficile de réfuter l'argument tant il est vrai qu'entre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946, il y a un monde. Il est pourtant une proposition simple à formuler pour remédier à cet inconvénient. Elle a été évoquée par le député gaulliste Jean Foyer lors des débats parlementaires de la révision constitutionnelle de 1974. Jean Lecanuet, alors garde des sceaux, s'y était montré sensible même si cela n'avait pas été suivi d'effet. Il s'agirait de réécrire le préambule de notre Constitution. Sans abandonner un seul des droits ni une seule des libertés contenus dans le texte actuel, la Constitution gagnerait à s'orienter vers un préambule qui définisse mieux les libertés publiques et les termes du pacte républicain que nous, Françaises et Français, inscrivons ensemble dans notre loi fondamentale.
Certes, notre nation perdrait le confort de la souplesse permise par le texte actuel. Mais elle emprunterait alors le chemin d'un droit constitutionnel plus précis, plus objectif et, donc, plus démocratique. Par ailleurs, l'écriture de ce nouveau préambule pourrait constituer l'occasion d'un vrai débat national, celui-là sans arrière-pensées, sur ce qui fonde notre République et doit guider nos pratiques politiques. Bien entendu, chacun serait associé à ce débat, Parlement comme peuple, selon les procédures de l'article 89 de la Constitution, avec référendum d'adoption de ce nouveau préambule à la clé.
Une telle mesure ne menacerait ni l'indépendance, ni l'autorité du Conseil constitutionnel. Mais continuerait d'en faire un précieux adjuvant de tous les acteurs du débat démocratique, à commencer par le président de la République dans sa mission première : veiller au respect de la Constitution.
Nicolas Vinci membre du collectif Générations engagées.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/02/17/le-cons...
13:40 Publié dans Conseil constitutionnel maçonnique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook