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13/03/2010

Laboratoires pharmaceutiques, peur sur ordonnance


Savez-vous que l’éjaculation précoce et la frigidité seront bientôt considérées comme des maladies ? Bientôt, pourquoi pas, l’infidélité conjugale en sera une également. On subodore que derrière la grippe A/H1N1 se cache un faramineux business. Mais savez-vous que le cancer de l’utérus ou le cholestérol sont des marchés également très juteux ?

En quinze ans, 200 nouvelles maladies ont été répertoriées dans le monde. 300 médicaments nouveaux ont été lancés sur le marché générant pour l’industrie pharmaceutique un chiffre d’affaire de 500 milliards de dollars. Notre santé les intéresse. Qui ? Les laboratoires pharmaceutiques, bien sûr

Les nouveaux jackpots des laboratoires pharmaceutiques, la passionnante enquête de Sophie Bonnet que diffuse Canal + (vendredi 5 mars à 22h45), fait le point sur les techniques marketing mises au point par les multinationales de la santé pour nous faire avaler la pilule.


« Nous consommons de plus en plus de médicaments » explique ce documentaire qui évoque d’entrée de jeu le Viagra. Lancée sur le marché en 1998, à dix euros pièce, la petite pilule bleue a rapporté 1,7 milliards de dollars par an à son propriétaire, le laboratoire Pfizer.
Un miracle ? Oui, mais économique. Depuis, les laboratoires planchent sur de nouveaux médicaments sensés guérir de pseudo maladies. Ne dite plus « frigidité féminine », mais « dysfonctionnement sexuel féminin ». Le laboratoire Boehringer-Ingelheim s’apprête à mettre sur le marché son « viagra féminin » en 2012.
Jackpot assuré. « Quand ils parlent de dysfonctionnement féminin c’est une façon de créer un marché explique Leonore Tiefer, sexologue à l’école de médecine de New York. Ils inventent une maladie ».

Des congrès médicaux sont organisés partout dans le monde par ces géants de l’industrie pharmaceutique. Les médecins y sont bien sûr conviés. Certains d’entre eux sont payés pour faire l’article dans des salles remplies de confrères. Quoi de mieux qu’un médecin pour convaincre de l’utilité d’un nouveau médicament ?

La tactique est sûre : on parle d’un nouveau remède avant qu’il obtienne son autorisation de mise sur le marché. On créé un bruit médiatique chez les professionnels de santé afin d’en faire un produit indispensable. On s’appuie également sur de prestigieuses revues scientifiques.

Le Journal of the American Medical Association a publié en 1999 un article expliquant que 43% des femmes américaines seraient touchées par le nouveau syndrôme du dysfonctionnement sexuel. Cette étude qui a fait grand bruit à l’époque, était menée par trois experts. Deux d’entre eux étaient « très liés » avec l’industrie pharmaceutique.

Les labos espèrent aussi classifier l’éjaculation précoce comme une pathologie. Le médicament est déjà prêt. Il s’appelle le Priligy. Problème : aux Etats-Unis il n’a pas été homologué car les autorités compétentes considèrent que son utilité n’a pas été prouvé, explique l’enquête de Sophie Bonnet qui cite deux études indépendantes menées en Europe en 2009.
Selon elles ce médicament serait inefficace à 70% et, pire, provoquerait des effets secondaires importants comme l’anxiété, des nausées, des syncopes, etc.

Ejaculation et frigidité féminine. Ces deux troubles sont étiquetés maladie mentale depuis 1994 dans le DSM, le manuel diagnostique de référence des maladies mentales qui en répertorie plus de 300. Vous êtes timide ? Le DSM donc la médecine, considère que vous êtes malade. Donc il faut vous soigner et prendre des médicaments.
DSM cela signifie Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. « Dans ce volume de cinq cents pages, explique Christopher Lane, auteur de Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions » (Flammarion, 2009), l’individu introverti se trouve mécaniquement transformé en psychotique léger ; se montrer distant ou indifférent, ou tout simplement « être seul », sont au nombre des symptômes ».
Le DSM est régulièrement remis à jour avec de « nouvelles maladies ». Jeffrey Lieberman, psychiatre à l’Université new yorkaise de Columbia, dirige la rédaction du DSM dont il prépare la nouvelle édition pour 2012.
Pour lui, bien sûr, c’est « un outil formidable ». Ce qu’il ne dit pas c’est que les psychiatres qui rédigent ce manuel ont le droit de percevoir jusqu’à 10 000 dollars par an des laboratoires pharmaceutiques.

Pour Ray Monihan (lire ici également), journaliste au British medical Journal qui dénonce depuis longtemps ces relations dangereuses entre médecins et labos, « en élargissant les critères des maladies on fait en sorte que les hauts et les bas de la vie quotidienne deviennent les symptômes d’une maladie dans le but de prescrire plus largement des médicaments ».
Le rêve des labos, souligne-t-il : vendre des médicaments à tout le monde, pas juste aux malades. Car le marché des gens bien portants est bien plus large...

Le travail qu’a mené Sophie Bonnet avec ces Nouveaux jackpots des laboratoires pharmaceutiques est remarquable. Elle dresse un panorama complet du cynisme des laboratoires autant que des médecins, experts et politiques.

Elle évoque le cas de la fameuse pilule amaigrissante Alli. Cette dernière est en réalité un médicament recyclé, le Xenical, dont le brevet a été racheté par le laboratoire GlaxoSmithKline. Les pilules sont maintenant colorées, la dose contenue dans chacune d’entre elles est divisée par deux ce qui permet de l’acheter sans ordonnance.
Elle a été lancée à grands renforts de campagnes de pub qui ne parlent plus d’obésité mais de "solution pour maigrir". 140 000 boîtes ont été vendues en un mois après sa sortie. Chiffre d’affaire : huit millions d’euros.

Les laboratoires disposent d’une véritable armée pour conquérir les médecins : les visiteurs médicaux. Ils sont 20 000 en France. L’une d’elle, qui n’exerce plus, est interrogée par Sophie Bonnet dans son reportage : "le bon visiteur médical doit savoir décoder les signaux d’achats du médecin : hochement de tête, prise de l’échantillon, expression du visage, etc."
Ce n’est pas exactement ce que préconise la charte des visiteurs médicaux. Cette visiteuse parvenait à prescrire pour plus de deux millions d’euros de médicaments chaque année.

Seuls 3% de médecins, en France, refusent de recevoir les visiteurs médicaux. L’un d’eux confie que « l’industrie pharmaceutique c’est sûr que c’est intéressant pour eux, mais pas pour nous ». Il précise que cette industrie s’est immiscée partout dans le système médical français : dans les hôpitaux et chez les médecins de ville, dans les revues". Voire ailleurs.

Martin Winckler, médecin, écrivain (et même auteur sur Agoravox) tenait une chronique sur France Inter. Un jour il dénonce la campagne de communication de Pfizer à propos du cholestérol.
En France, cette maladie fait florès. Pourtant, en 1985, un million de personnes en souffrait. Aujourd’hui il y en a sept millions. Bigre, une épidémie ? Non. En 1985 le taux de cholestérol « admissible » était de 3 grammes. Aujourd’hui il est de 2 grammes. Avec la bénédiction des autorités sanitaires.

En 2003, Martin Winckler a été remercié de France Inter, par Jean-Luc Hees, pour avoir abordé le la campagne de Pfizer destinée à faire peur aux malades du cholestérol qui s’ignoraient.
Aujourd’hui il constate « Si on vous fait peur c’est qu’on a quelque chose à vous vendre. C’est intéressant de faire prendre des médicaments à des gens qui n’ont rien parce qu’ils vont vivre très longtemps et donc ils vont les prendre très longtemps ». La majorité des gens qui prennent des anti-cholestérols aujourd’hui les prennent pour rien.

Le problème c’est que ces médicaments provoquent des effets secondaires, voire peuvent tuer. Bayer a été ainsi condamné par des malades. En France souligne un avocat proche d’une association de victimes de médicaments (lire ici aussi) il manque de l’arsenal judiciaire des actions judiciaires collectives (lire ici aussi).

Autre jackpot : les vaccins qui « permettent de soigner toute la population, des bébés aux vieillards ».
Le cas de la grippe A est bien sûr évoqué. Mais en ce moment est diffusé un spot destiné à promouvoir un vaccin contre le cancer du col de l’utérus qui touche chaque année 3500 femmes et en tue environ un millier.
Le Gardasil, ce vaccin, n’est pas encore autorisé. Pour l’heure il s’agit d’inquiéter les populations avec des pubs qui ressemblent à des spots gouvernementaux mais qui sont en réalité entièrement financées par un laboratoire.
Sauf au Canada ou une étude indépendante est en cours, aucune étude d’ampleur n’a été menée sur les effets indésirables de ce médicament qui coûte une fortune (il nécessite trois injections coûtant chacune 120 euros et remboursées à 65%) et surtout produit des effets secondaires graves (paralysie, thrombose, etc.).
Trente huit personnes seraient mortes après la vaccination. Mais le directeur des affaires médicales de Sanofi ne croit pas à ces décès.

Le Gardasil a été mis sur le marché en France en 2006 par l’Institut Pasteur. Il a bénéficié d’un soutien actif du ministère de la santé. Pour qu’il soit remboursé il fallait que le comité technique des vaccination (composé de vingt médecins dépendants du ministère de la santé et dont certains ont des liens avérés avec le laboratoire Sanofi) rende un avis positif.
Cet avis devait être rendu en avril 2007, mais deux mois avant, en février, Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, court-circuite tout le monde et donne son accord en urgence. Il partira un mois plus tard...

Que dire de Roselyne Bachelot qui remet à Sanofi/Pasteur le prix de la recherche scientifique pour son vaccin Gardasil. Roselyne Bachelot qui oublie de mentionner dans son CV qu’elle fut pendant douze ans visiteuse médicale pour le compte du laboratoire Astrazeneca...
Vous avez dit collusions ?





04:06 Publié dans Laboratoires pharmaceutiques | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook